L’image nous hante : le serpent présente à Ève le fruit défendu ; elle cède à la tentation, et le mal serait introduit dans l’humanité.
Pourquoi ? Une longue tradition dit doctement que la source se trouve dans le corps submergeant l’esprit, annihilant la volonté. Du corps, il faudrait se méfier, le réprimer.
Et pourtant ! Tout ce que nous faisons procède du corps, même notre intelligence.
Observez un humain au travail : s’il se fatigue, s’il souffre, il cherche à améliorer son geste, transformer son instrument.
Regardez une toile d’araignée, un essaim d’abeilles, un vol d’hirondelles migrant, le pas de la danseuse, le drible du footballeur, etc. ; considérez le développement d’un embryon : s’il fallait supposer un esprit aux commandes, tel un pilote gouvernant son bateau, on crierait au prodige.
Le corps exprime la vie. Ou plutôt les corps qui s’affectent les uns les autres, s’unissent ou se combattent voire se détruisent. Amour et haine. Qui surmontent leurs faiblesses en inventant des auxiliaires (chaussures, vêtements, lunettes, mais aussi corps d’animaux domestiques…), ou des prothèses qui les réparent.
Ces corps que l’on ne cesse de modifier (maquillages, bijoux, bodybuilding, tatouages, scarifications, etc.). Pourquoi ? les soumettre ? les exalter ? les embellir ? …
Nul ne sait vraiment ce que peut un corps, parce qu’il n’est pas isolé des autres corps, parce qu’il se modifie au long de la vie, parce que les techniques du corps se diversifient dans l’histoire, indéfiniment.
Le thème du Forum des idées de cette année promet de joyeuses discussions et d’étonnantes découvertes. Le jumelage de la ville de Gennevilliers avec le Musée du Quai Branly nous offrira des possibilités nouvelles pour l’explorer.
* Gérard Bras, Président de l’Université Populaire des Hauts-de-Seine